RDC : débat lancé pour une transition énergétique juste en s’appuyant sur ses ressources en minerais
La RDC ambitionne à la fois d’accroitre la production de ces minerais tout en tirant un maximum de revenus supplémentaires. Le pays entend aussi en transformer localement pour domestiquer une partie de la chaine de valeur des véhicules électriques et ainsi booster son développement. C’est pour le pays, le sens d’une transition juste, celle qui profite à la fois au pays et à la planète.
Divers rapports et media ont régulièrement souligné les défis qui empêchent le pays de pleinement tirer profit de ses importantes ressources minières, des abus des droits de l’homme aux manœuvres géopolitiques, en passant par les questions de transparence et de redevabilité. Face à ces nouvelles opportunités, quelles sont les prochaines étapes pour s’assurer que non seulement les Congolais bénéficient de leurs ressources mais aussi que le pays joue son rôle dans le jeu mondial de la transition énergétique ?
Une ambition claire du gouvernement
Au Forum national sur les opportunités liées à la transition énergétique dans le secteur minier de juin dernier, le Vice-Ministre des Mines de la RDC a formulé l’ambition du gouvernement en ces termes : « En tant que premier producteur mondial du cobalt et disposant des plus grandes réserves de cobalt et de lithium, la République Démocratique du Congo est au cœur des enjeux stratégiques relatifs à l’approvisionnement mondial de ces minéraux critiques. En effet, la RDC a produit 74% de la production globale de cobalt en 2021. Avec la transition énergétique, la demande des métaux verts va continuer à croitre. A titre indicatif, selon le rapport de mai 2021 de Cobalt Institute, la demande globale du cobalt a augmenté de 22% en 2021 et devrait augmenter de 13% par année au cours des cinq prochaines années. Face à cette demande croissante, il y a un risque d’approvisionnement si l’offre ne suit pas. En tant qu’un maillon de la chaîne, la RDC s’emploie à (…) : (i) favoriser la découverte de nouveaux gisements encore cachés dans le sous-sol jusqu’à la certification leur réserves ; (ii) mettre en exploitation les gisements certifiés pour aboutir à la production et à la commercialisation des produits miniers à grande valeur ajoutée ; (iii) développer des usines de transformation locale des produits miniers pour une meilleure commercialisation ».
La RDC a donc déjà pris conscience du rôle qu’elle doit jouer dans le jeu mondial de la transition énergétique. Les récentes initiatives prises par le gouvernement, notamment la signature de l’Accord de coopération entre la RDC et la Zambie en avril 2022 pour le développement de la chaîne de valeur des batteries électriques, la création à l’Université de Lubumbashi du Centre Africain d’Excellence sur les Batteries, ou encore la création de l’Entreprise Générale du Cobalt (EGC), montrent la détermination des autorités congolaises.
Un consensus s’est dégagé des délibérations de la centaine de participants à ce forum - comprenant des représentants des gouvernements et parlements nationaux et provinciaux, de l’Initiative pour la Transparence dans les Industries Extractives (ITIE-RDC), d’institutions de contrôle comme la cour des comptes et l’inspection générale des finances, de sociétés minières, de partenaires internationaux, de la société civile congolaise, des communautés minières, d’institutions de recherche : les ambitions louables du gouvernement congolais de transformer localement le cobalt et le lithium devraient être accompagnées d’un engagement politique clair pour l’amélioration de la gouvernance dans le pays. Les parties prenantes ont également souligné la nécessaire coordination des initiatives en Afrique australe qui doit s’appuyer sur les opportunités de la zone de libre-échange continentale pour mettre à contribution les atouts dont dispose chaque pays de la région dans la chaine de valeur de la fabrication de batteries et de véhicules électriques.
De nombreuses recommandations formulées par les parties prenantes
A l’issue des travaux, les participants au Forum ont formulé 16 recommandations, parmi lesquelles :
- Que les ministères des Mines et de l’Industrie rendent accessibles à toutes les parties prenantes les informations à jour sur le projet de transformation du cobalt/lithium pour faciliter leur contribution et le suivi, et mette en place un cadre de concertation inclusif au niveau national et régional pour assurer la transparence dans la mise en œuvre des ambitions du gouvernement et des entreprises publiques et privées impliquées ;
- Que le ministère des Mines facilite la prospection et l’exploration de nouveaux gisements par un partage plus proactif d’informations géologiques et par l’inventaire et la mise à jour d’études de faisabilité obsolètes ;
- Que le gouvernement et ses partenaires investissent davantage dans le contenu local, à savoir la recherche et la formation spécialisées dans les métiers de la chaine de valeur des batteries électriques et dans la préparation des entrepreneurs nationaux aux opportunités d’investissement dans les sociétés minières et de fourniture de biens et services sur la base des besoins futurs à évaluer ;
- Que le gouvernement suscite davantage la mise en valeur de l’énorme potentiel hydroélectrique du pays afin de répondre aux besoins de la transformation de minerais et de production des batteries ;
- Que le gouvernement renforce la mobilisation des recettes du secteur minier en luttant de manière plus ambitieuse contre la fraude, la corruption et la contrebande minière qui se sont intensifiées depuis l’augmentation de la redevance à 10%, qu’il évalue les retombées de la taxe sur les superprofits et étudie l’opportunité d’une taxation flexible ;
- Que le gouvernement poursuive l’assainissement du secteur artisanal en s’appuyant sur des standards internationaux et qu’il accélère l’expérimentation de la solution que représente l’EGC ;
- Que le gouvernement renforce les mesures de gestion des impacts environnementaux et sociaux en intensifiant les contrôles et en intégrant l’approche d’écoconception des procédés dès les études de faisabilité des projets pour tenir compte de la pollution spécifique à ces minerais.
De futures étapes qui exigent une plus grande synergie entre les acteurs
Au-delà des recommandations de fond, les parties prenantes ont convenu de maintenir la dynamique engagées ce forum, jusqu’à non seulement doter le pays d’une politique nationale sur la transition énergétique mais aussi à mobiliser les efforts des parties prenantes pour la mise en œuvre de cette politique pour une transition juste en RDC. Ainsi, le processus continue avec les étapes suivantes : (i) le partage du rapport du forum avec les parties prenantes ; (ii) la mise en place d’un comité multipartites de suivi des recommandations du forum ; (iii) l’ouverture du débat aux autres secteurs concernés par la transition énergétique comme l’industrie, l’énergie, l’environnement et les forêts, le pétrole et les finances, en organisant dans quelques mois un forum multi-sectoriel qui servira de base au renforcement de la coordination intersectorielle des ambitions du gouvernement dans cette transition énergétique et écologique.
La RDC développe une action de plus en plus remarquée dans la diplomatie climatique en se présentant comme un pays-solution au regard de ses ressources inégalées en forêts, en eaux et en minerais de transition. Le gouvernement congolais aura l’opportunité, lors des travaux préparatoires que la RDC abritera en amont de la COP27 mais surtout lors de la COP elle-même en novembre 2022 en Egypte, de lancer un appel à ses partenaires internationaux pour coconstruire cette démarche holistique d’une transition écologique juste.
Renforcer la gouvernance du cobalt est une urgence pour la transition énergétique.