Secteur minier en RDC : pourquoi faut-il poursuivre la réforme du Code Minier?
Les tensions électorales actuelles nous feraient presque oublier que la réforme du code minier a été jetée aux oubliettes. Pourtant, la crise économique et politique que nous connaissons aujourd’hui est profondément liée à l’échec de notre pays à capitaliser sur ses immenses ressources minières pour stimuler le développement économique et social que tous les Congolais appellent de leurs vœux. Et la révision du code minier était une étape clef dans l’amélioration de la gouvernance du secteur. Il est encore temps de la sauver.
Le processus de révision du code minier mené par le gouvernement de 2012 à 2015 a suivi une série de larges consultations tripartites entre les représentants de l’Etat, du secteur privé et de la société civile. Un accord a été obtenu sur un certain nombre de dispositions importantes, notamment la constitution d’un fonds de développement communautaire, la renonciation au régime d’amortissement accéléré, une meilleure prise en compte des intérêts des populations locales et un renforcement des dispositions de transparence. Mais d’importants désaccords subsistaient.
En dépit de ces désaccords, le conseil des ministres a approuvé le projet de loi et l’a soumis à l’Assemblée Nationale en février 2015. La chambre des mines s’est mobilisée contre ce texte, estimant que « cela créerait une catastrophe». En parallèle, les prix de l’or et du cuivre ont fortement chuté, incitant le gouvernement à adopter une posture plus conciliante avec les investisseurs miniers. Jusqu’à ce jour, le projet de loi n’a même pas été discuté formellement par nos députés. Le gouvernement s’est contenté de communiquer de façon ambiguë sur la poursuite du processus de réforme, créant une situation d’incertitude qui ne convient ni aux sociétés minières, ni aux agences de l’Etat, ni à la population congolaise.
Mes collègues du Natural Resource Governance Institute (NRGI) et moi-même avons donc pris le parti de réaliser une étude indépendante et objective du régime fiscal du code minier de 2002, de la proposition d’amendement, et de les comparer aux régimes fiscaux d’autres pays producteurs de cuivre, cobalt et d’or, les principales ressources minières de la RDC impactées par les changements fiscaux. Notre étude est publiée cette semaine, accompagnée des modèles financiers qui la supportent.
Nos conclusions montrent qu’il est possible, et même nécessaire, de poursuivre la réforme et de parvenir à un compromis acceptable par toutes les parties. Certes, le régime fiscal du code 2002 est dans les normes internationales. Mais il n’est pas suffisamment progressif, et protège trop largement les opérateurs miniers des améliorations nécessaires du code des impôts. Les changements proposés doivent être engagés aujourd’hui, bien qu’ils ne soient pas visibles avant plusieurs années, au-delà du cycle actuel du marché des matières premières. Lorsque les prix grimperont à nouveau, il sera dans l’intérêt du Congo d’être en mesure d’en tirer les fruits, pour qu’ils bénéficient enfin à notre peuple.
Samy Badibanga, longtemps député de l’opposition, vient d’être nommé premier ministre pour former un gouvernement d’union nationale. Au-delà de la question électorale, le nouveau gouvernement a les moyens de sauver la réforme du code minier, en prenant les mesures suivantes :
Premièrement, il faudrait rappeler le projet de loi et relancer des discussions tripartites, basées sur une relation de confiance et des outils de travail objectifs. Seul un consensus obtenu suite à des discussions techniques entre l’Etat, la chambre des mines et les organisations de la société civile peut permettre d’obtenir une révision du code qui réponde aux préoccupations du peuple congolais.
Deuxièmement, il faudrait revoir le régime fiscal. La proposition d’amendement contient des éléments fiscaux peu adaptés au contexte économique du Congo. Il faudrait remplacer l’impôt sur les profits excédentaires, de préférence par une redevance à taux variable, afin de créer un régime fiscal progressif, adapté aux cycles de prix bas tout comme de prix élevés, qui offre une juste part des profits à notre pays. Il faudrait revoir la clause de stabilisation pour l’attacher aux titres miniers plutôt qu’à la loi dans son ensemble. Il faudrait également harmoniser le plus possible le code minier avec le régime fiscal de droit commun.
Enfin, il est impératif d’adapter le code à la constitution de 2006, de renforcer les mesures de contrôle et les dispositions sur le développement communautaire. La réforme ne concerne pas uniquement la fiscalité. Le code minier de 2002 ne répond pas à ces exigences, et le projet de révision ne contient que des dispositions minimales en la matière, ce que la société civile congolaise a maintes fois souligné.
J’espère que cette analyse saura convaincre les femmes et les hommes de bonne volonté de sauver la réforme du code minier, qu’ils se trouvent au sein de l’Etat, de l’Assemblée Nationale, de la société civile, du côté du pouvoir ou de l’opposition. L’enjeux est la relance de notre économie et le partage équitable des bénéfices de l’exploitation minière, qui sont dans l’intérêt de tous les Congolais.
Jean-Pierre Okenda est responsable pays pour le Natural Resource Governance Institute en République Démocratique du Congo.