Les progrès dans la divulgation des contrats extractifs en RDC
English »
La précarité de la situation politique et sécuritaire de la République Démocratique du Congo (RDC) continue à faire l’actualité. Mais malgré l’instabilité de ce pays, d’importants progrès ont été enregistrés, du côté du Gouvernement comme de la société civile, sur la voie de la publication des contrats relatifs à l’extraction des ressources naturelles de la RDC.
Depuis 2016, l’Institut pour la gouvernance des ressources naturelles (NRGI) collabore avec le Ministère des mines et le Ministère des hydrocarbures de la RDC dans la création d’une plateforme à données ouvertes permettant au public de prendre connaissance des contrats miniers, pétroliers et gaziers qui ont été signés par le pays. De cette collaboration est né le portail pays dénomé ResourceContracts, qui permet aux organisations de la société civile, aux membres des communautés concernées, aux fonctionnaires gouvernementaux, aux chercheurs et aux autres parties prenantes de trouver des contrats, de visualiser leurs dispositions environnementales, sociales, opérationnelles et fiscales, et d’en télécharger le texte entier sous la forme de données ouvertes. Le portail ResourceContracts de la RDC présente de manière claire les contrats extractifs qu’il diffuse, et fournit des annotations sur les clauses principales de 16 contrats. Comme ce portail constitue un instrument de surveillance, et donc de transparence des contrats, il est susceptible de contribuer à une diminution des pratiques de corruption par des entreprises et des gouvernements.
Ce portail étant désormais créé, le projet va se concentrer sur la divulgation de contrats ne figurant pas encore sur le site, ainsi que sur les études d’impact environnemental et social (EIES). Il sera également question de créer des unités de suivi des contrats au sein de ministères. Nous examinons ci-dessous certains des contrats les plus importants qui figurent depuis peu sur le portail ResourceContracts, et nous évoquons la poursuite des efforts, par les ministères concernés, pour faire progresser l’agenda sur la transparence des contrats.
Divulgation de deux gros contrats
En mars 2018, ResourceContracts a publié de nouveaux contrats et leurs différentes annexes. Parmi les plus importants de ces contrats figure la Convention de transaction et d’investissement signée en 2012, entre autres, par les sociétés First Quantum Mineral Group (FQM), Eurasian Natural Resource Corporation (ENRC), Gécamines et Sodimico, ainsi que par le Gouvernement de la RDC, au sujet du projet, fort controversé, d’exploitation des rejets de Kolwezi et au sujet des mines Frontier et Lonshi. FQM et d’autres investisseurs ont été impliqués dans un arbitrage international avec le Gouvernement congolais à propos de ce projet à la suite de l’annulation de permis miniers par le gouvernement. La convention expose les clauses complexes de règlement et de transaction qui ont conduit à la résolution des différends entre FQM et le gouvernement et régissant la reprise, par ENRC, de la participation de FQM dans le projet pour un montant rapporté de 1,25 milliard de dollars US. Une lecture rapide de la convention soulève certaines questions (concernant notamment le montant des obligations fiscales d’ENRC liées à la reprise ; l’exonération de FQM de toutes obligations fiscales ; et la volonté du gouvernement congolais de ne pas prévenir ou différer la dissolution et la liquidation de KMT, la compagnie chargée du projet de valorisation des rejets) et indique donc la nécessité d’une analyse plus approfondie.
Un autre contrat important que l’on peut désormais retrouver sur le site est celui qui a été conclu entre le gouvernement congolais et l’Annui Foreign Economic Construction (Group) Corporation (AFFEC), celle-ci étant la compagnie chinoise qui a créé la Société Annui-Congo Investissement minier (SACIM) pour l’extraction de diamants dans la province du Kasaï oriental. Cette convention décrit les engagements pris par les deux parties, y compris le rôle crucial que la société AFECC a assumé dans le développement d’infrastructures communautaires. Réagissant à la divulgation de ce contrat, un activiste de la société civile au Kasaï a fait remarquer : « Cela fait cinq ans que nous cherchons à accéder à ce contrat. Aujourd’hui, nous sommes informés de son contenu et en mesure de suivre l’exécution des engagements d’AFECC envers les communautés. Notre examen du contrat montre que l’entreprise s’était engagée à construire une route, ainsi que d’autres projets communautaires. Or, elle n’a rien fait jusqu’à ce jour ».
Les actions menées en faveur de la transparence des contrats ont également donné des résultats dans le secteur pétrolier. L’amendement apporté en 2017 à la convention principale conclue en 1969 entre Perenco et la RDC a été publié sur le portail ResourceContracts. Le document montre que l’accord initial a été étendu et assorti d’investissements supplémentaires de 1,5 milliard de dollars US (l’investissement le plus élevé à avoir été consenti jusqu’ici dans le secteur pétrolier de RDC).
La campagne se poursuit
Les prochaines étapes du projet consisteront à faciliter la divulgation entière et régulière des contrats, ainsi qu’à promouvoir l’usage des données afférentes pour favoriser la redevabilité et orienter des réformes éventuelles. Nous cherchons actuellement à publier des documents contractuels jusqu’ici non divulgués et dont l’existence ressort d’une étude menée par la Plateforme des Organisations de la société civile intervenant dans le secteur minier (POM). Nous nous efforcerons également de publier des EIES contenant des clauses environnementales et sociales décrivant les relations entre les entreprises et les communautés riveraines de zones d’exploitation minière. Un problème qu’il reste à résoudre tient à la bonne utilisation des contrats divulgués. Jusqu’ici, la divulgation de contrats n’a pas suscité le type de débat public vigoureux qui s’impose pour exiger des comptes aux parties prenantes.
Notre projet s’inscrit dans le cadre d’un effort élargi visant à améliorer la transparence des contrats en RDC. Le Ministère des mines a mis en place à son sein une équipe chargée de suivre la divulgation de contrats, tandis que le Ministère des hydrocarbures a désigné un agent chargé de la même tâche. C’est la première fois qu’une équipe d’agents ait été chargée de la responsabilité spécifique de suivre la divulgation de contrats. Par ailleurs, le cadre juridique de la transparence de contrats ne cesse de se renforcer en RDC. La campagne en faveur de la divulgation des contrats a remporté d’importantes victoires législatives avec la promulgation en 2015 de la Loi pétrolière et la promulgation en 2018 du nouveau Code minier (qui renforce l’obligation de divulguer les contrats). Le champ d’application du nouveau Code a été étendu à la divulgation de EIES.
À propos de ResourceContrats
La plateforme ResourceContracts est une base de données en ligne sur des contrats pétroliers, gaziers et miniers mise au point, en partenariat, par la Banque mondiale, NRGI et CCSI (Columbia Center on Sustainable Investment). Le site principal ResourceContracts.org a été relancé en 2015 avec des fonctionnalités et contrats supplémentaires. Les partenaires à l’origine de ResourceContracts poursuivent leur collaboration avec des gouvernements et des bureaux pays de l’ITIE (Initiative pour la transparence dans les industries extractives) en vue de publier des contrats extractifs au moyen de données ouvertes. Des sites ResourceContracts concernant des pays particuliers ont été créés en Guinée (2013 et 2017), aux Philippines (2015), en Sierra Leone (2016), en RDC (2016), en Tunisie (2017) et en Mongolie (2017).
Serge Wonya est un consultant indépendant basé à Kinshasa. Jean-Pierre Okenda est le responsable pays du NRGI pour la RDC. Charles Young est un consultant technique en matière de données ouvertes.
La précarité de la situation politique et sécuritaire de la République Démocratique du Congo (RDC) continue à faire l’actualité. Mais malgré l’instabilité de ce pays, d’importants progrès ont été enregistrés, du côté du Gouvernement comme de la société civile, sur la voie de la publication des contrats relatifs à l’extraction des ressources naturelles de la RDC.
Depuis 2016, l’Institut pour la gouvernance des ressources naturelles (NRGI) collabore avec le Ministère des mines et le Ministère des hydrocarbures de la RDC dans la création d’une plateforme à données ouvertes permettant au public de prendre connaissance des contrats miniers, pétroliers et gaziers qui ont été signés par le pays. De cette collaboration est né le portail pays dénomé ResourceContracts, qui permet aux organisations de la société civile, aux membres des communautés concernées, aux fonctionnaires gouvernementaux, aux chercheurs et aux autres parties prenantes de trouver des contrats, de visualiser leurs dispositions environnementales, sociales, opérationnelles et fiscales, et d’en télécharger le texte entier sous la forme de données ouvertes. Le portail ResourceContracts de la RDC présente de manière claire les contrats extractifs qu’il diffuse, et fournit des annotations sur les clauses principales de 16 contrats. Comme ce portail constitue un instrument de surveillance, et donc de transparence des contrats, il est susceptible de contribuer à une diminution des pratiques de corruption par des entreprises et des gouvernements.
Ce portail étant désormais créé, le projet va se concentrer sur la divulgation de contrats ne figurant pas encore sur le site, ainsi que sur les études d’impact environnemental et social (EIES). Il sera également question de créer des unités de suivi des contrats au sein de ministères. Nous examinons ci-dessous certains des contrats les plus importants qui figurent depuis peu sur le portail ResourceContracts, et nous évoquons la poursuite des efforts, par les ministères concernés, pour faire progresser l’agenda sur la transparence des contrats.
Divulgation de deux gros contrats
En mars 2018, ResourceContracts a publié de nouveaux contrats et leurs différentes annexes. Parmi les plus importants de ces contrats figure la Convention de transaction et d’investissement signée en 2012, entre autres, par les sociétés First Quantum Mineral Group (FQM), Eurasian Natural Resource Corporation (ENRC), Gécamines et Sodimico, ainsi que par le Gouvernement de la RDC, au sujet du projet, fort controversé, d’exploitation des rejets de Kolwezi et au sujet des mines Frontier et Lonshi. FQM et d’autres investisseurs ont été impliqués dans un arbitrage international avec le Gouvernement congolais à propos de ce projet à la suite de l’annulation de permis miniers par le gouvernement. La convention expose les clauses complexes de règlement et de transaction qui ont conduit à la résolution des différends entre FQM et le gouvernement et régissant la reprise, par ENRC, de la participation de FQM dans le projet pour un montant rapporté de 1,25 milliard de dollars US. Une lecture rapide de la convention soulève certaines questions (concernant notamment le montant des obligations fiscales d’ENRC liées à la reprise ; l’exonération de FQM de toutes obligations fiscales ; et la volonté du gouvernement congolais de ne pas prévenir ou différer la dissolution et la liquidation de KMT, la compagnie chargée du projet de valorisation des rejets) et indique donc la nécessité d’une analyse plus approfondie.
Un autre contrat important que l’on peut désormais retrouver sur le site est celui qui a été conclu entre le gouvernement congolais et l’Annui Foreign Economic Construction (Group) Corporation (AFFEC), celle-ci étant la compagnie chinoise qui a créé la Société Annui-Congo Investissement minier (SACIM) pour l’extraction de diamants dans la province du Kasaï oriental. Cette convention décrit les engagements pris par les deux parties, y compris le rôle crucial que la société AFECC a assumé dans le développement d’infrastructures communautaires. Réagissant à la divulgation de ce contrat, un activiste de la société civile au Kasaï a fait remarquer : « Cela fait cinq ans que nous cherchons à accéder à ce contrat. Aujourd’hui, nous sommes informés de son contenu et en mesure de suivre l’exécution des engagements d’AFECC envers les communautés. Notre examen du contrat montre que l’entreprise s’était engagée à construire une route, ainsi que d’autres projets communautaires. Or, elle n’a rien fait jusqu’à ce jour ».
Les actions menées en faveur de la transparence des contrats ont également donné des résultats dans le secteur pétrolier. L’amendement apporté en 2017 à la convention principale conclue en 1969 entre Perenco et la RDC a été publié sur le portail ResourceContracts. Le document montre que l’accord initial a été étendu et assorti d’investissements supplémentaires de 1,5 milliard de dollars US (l’investissement le plus élevé à avoir été consenti jusqu’ici dans le secteur pétrolier de RDC).
La campagne se poursuit
Les prochaines étapes du projet consisteront à faciliter la divulgation entière et régulière des contrats, ainsi qu’à promouvoir l’usage des données afférentes pour favoriser la redevabilité et orienter des réformes éventuelles. Nous cherchons actuellement à publier des documents contractuels jusqu’ici non divulgués et dont l’existence ressort d’une étude menée par la Plateforme des Organisations de la société civile intervenant dans le secteur minier (POM). Nous nous efforcerons également de publier des EIES contenant des clauses environnementales et sociales décrivant les relations entre les entreprises et les communautés riveraines de zones d’exploitation minière. Un problème qu’il reste à résoudre tient à la bonne utilisation des contrats divulgués. Jusqu’ici, la divulgation de contrats n’a pas suscité le type de débat public vigoureux qui s’impose pour exiger des comptes aux parties prenantes.
Notre projet s’inscrit dans le cadre d’un effort élargi visant à améliorer la transparence des contrats en RDC. Le Ministère des mines a mis en place à son sein une équipe chargée de suivre la divulgation de contrats, tandis que le Ministère des hydrocarbures a désigné un agent chargé de la même tâche. C’est la première fois qu’une équipe d’agents ait été chargée de la responsabilité spécifique de suivre la divulgation de contrats. Par ailleurs, le cadre juridique de la transparence de contrats ne cesse de se renforcer en RDC. La campagne en faveur de la divulgation des contrats a remporté d’importantes victoires législatives avec la promulgation en 2015 de la Loi pétrolière et la promulgation en 2018 du nouveau Code minier (qui renforce l’obligation de divulguer les contrats). Le champ d’application du nouveau Code a été étendu à la divulgation de EIES.
À propos de ResourceContrats
La plateforme ResourceContracts est une base de données en ligne sur des contrats pétroliers, gaziers et miniers mise au point, en partenariat, par la Banque mondiale, NRGI et CCSI (Columbia Center on Sustainable Investment). Le site principal ResourceContracts.org a été relancé en 2015 avec des fonctionnalités et contrats supplémentaires. Les partenaires à l’origine de ResourceContracts poursuivent leur collaboration avec des gouvernements et des bureaux pays de l’ITIE (Initiative pour la transparence dans les industries extractives) en vue de publier des contrats extractifs au moyen de données ouvertes. Des sites ResourceContracts concernant des pays particuliers ont été créés en Guinée (2013 et 2017), aux Philippines (2015), en Sierra Leone (2016), en RDC (2016), en Tunisie (2017) et en Mongolie (2017).
Serge Wonya est un consultant indépendant basé à Kinshasa. Jean-Pierre Okenda est le responsable pays du NRGI pour la RDC. Charles Young est un consultant technique en matière de données ouvertes.