Une transition énergétique juste implique et autonomise les femmes
English » | Español »
Il y a quelques années, l’une de nous a eu le privilège de rencontrer une femme autochtone de l'une des communautés Wayuu du nord de la Colombie, une société matriarcale où les femmes détiennent un pouvoir de décision. Elle nous a raconté qu'une entreprise d'énergie éolienne qui voulait étendre un projet sur ses terres avait négocié l'accès à celles-ci avec l'un des membres masculins de la famille. Non seulement cela constituait une violation des pratiques de leur communauté, minant le pouvoir qu'elle détenait, mais cela a conduit l'entreprise à construire des infrastructures sur des terres sacrées. Alors que le projet aurait pu bénéficier à la communauté de manière positive, l'approche suivie a causé des effets néfastes.
Cette rencontre nous a rappelé brutalement que, dans notre quête de lutte contre le changement climatique et de promotion des énergies propres, nous risquons de porter atteinte aux droits des femmes, en introduisant involontairement de nouvelles inégalités ou en renforçant celles qui existent déjà. Mais ces risques peuvent être atténués.
Une transition juste qui donne du pouvoir aux femmes et respecte leurs droits est possible. Pour atteindre cet objectif crucial, les membres de la communauté internationale, les bailleurs de fonds, les acteurs des secteurs privé et public et les organisations de la société civile comme la nôtre doivent s'engager de manière décisive à favoriser, soutenir et apprendre des organisations menées par des femmes et de nombreuses autres organisations qui construisent déjà cette voie inclusive.
Les femmes sont des alliées essentielles et des agentes clées dans la mise en place d’une transition énergétique inclusive ; une étude a conclu que lorsque les femmes sont politiquement habilitées, les émissions de CO2 sont réduites d'environ 12 % dans 72 pays.
Chez NRGI, nous cherchons à apprendre et à contribuer aux efforts menés par de nombreuses organisations et personnes dans le monde, et à définir un agenda féministe pour notre travail sur la transition énergétique. Nous voulons nous assurer que l'expérience vécue des femmes éclaire les décisions du secteur extractif concernant les opportunités futures et l'élimination des dommages, et que les femmes ont une voix et influence dans ces débats. Nous accordons la priorité à l'élaboration d'approches visant à accroître la sensibilisation aux questions de genre dans notre programmation dans les pays qui doivent abandonner les combustibles fossiles ou qui visent à développer les technologies d'énergie renouvelable et les minéraux nécessaires à leur production. Fondamentalement, nous voulons nous assurer que les femmes participent à toutes les étapes de ces processus.
Nous voulons nous assurer que l'expérience vécue des femmes éclaire les décisions du secteur extractif concernant les opportunités futures et l'élimination des dommages.
Dans les pays producteurs de combustibles fossiles, une transition énergétique juste exige que les travailleurs soient rémunérés par les gouvernements et les entreprises qui ont bénéficié de l'extraction du charbon et du pétrole et qui sont en train de la réduire progressivement. Mais comme les hommes représentent plus de 83 % de la main-d'œuvre formelle dans le secteur minier, les femmes - qui dépendent fortement des emplois indirects et informels autour de la mine - risquent de ne pas être incluses dans ces accords de compensation. Alors que les dirigeants des entreprises et les représentants des gouvernements réfléchissent à la fermeture des mines, aux compensations et à la reconversion des emplois, ils doivent s'assurer que les femmes sont les principales parties prenantes de ces plans, comme l'a proposé l'APEC. Les conséquences environnementales que ces projets entraînent et qui pourraient toucher les femmes de manière disproportionnée doivent être prises en compte. En outre, les femmes doivent contribuer aux décisions relatives à la diversification des économies locales et nationales. Les modèles de développement qui remplacent l'extraction des combustibles fossiles doivent s'aligner sur les besoins des femmes, leurs modes de consommation et leurs visions de leurs terres ; les modèles doivent également reconnaître pleinement et indemniser correctement les femmes pour leurs contributions.
De l'autre côté de la transition énergétique, les femmes occupent 32 % des emplois dans le secteur des énergies renouvelables ; cependant, elles ne sont pas les principales propriétaires des projets d'énergie propre à petite échelle. Étant donné qu'à l'échelle mondiale, le taux d'emploi des femmes (48 %) est plus élevée que le taux d'emploi dans les secteurs du pétrole et du gaz (22 %), les responsables gouvernementaux et les entreprises ont une occasion d'accroître les opportunités d'emploi dans ce domaine. En reconnaissant les droits de propriété et en veillant à ce que les mécanismes de partage des bénéfices reflètent les besoins des femmes, les agences gouvernementales et les agences de développement internationales et locales peuvent aider les femmes à assumer des rôles tels que celui d'entrepreneur en énergies propres ou à contribuer aux consultations sur les projets à grande échelle.
Les autorités gouvernementales et les sociétés minières peuvent améliorer la justice en matière de genre en changeant la façon dont les minéraux de transition sont extraits. Aujourd'hui, en République Démocratique du Congo, de nombreuses femmes font partie de la main-d'œuvre informelle qui extrait le cobalt nécessaire à la fabrication de batteries de véhicules électriques. Pourtant, elles occupent souvent les emplois les moins rentables et les plus toxiques : elles broient, trient et tamisent le minerai et traitent les déchets. Beaucoup subissent des violences sexuelles sur les sites miniers. Les évaluations de l'impact sur le genre sont une étape clé pour éviter de tels abus, à condition que les compagnies minières y donnent suite et que les femmes fassent partie des processus décisionnels. Définir des politiques appropriées et les mettre en œuvre aux niveaux international, national et local est une autre étape clé. En 2019, par exemple, le gouvernement de la Mongolie a introduit une loi visant à accroître la participation des femmes dans le secteur minier. Comme NRGI l'a souligné dans un projet vidéo, en 2022, les femmes mongoles ont joué un rôle crucial dans l'information de cette politique et sa diffusion à travers la sensibilisation au sein des communautés affectées par l'exploitation minière.
Chez NRGI, nous reconnaissons et applaudissons les efforts déployés par les militantes féministes du monde entier pour promouvoir la justice en matière de genre. Nous cherchons à tirer des enseignements de ce travail et à nous en inspirer, en commençant par des projets pilotes en Colombie, au Ghana, au Nigeria et en Ouganda, qui comprendront des dialogues multipartites, la création de réseaux et le soutien du travail des organisations nationales dirigées par des femmes afin de renforcer la voix des femmes. La promotion de l'équité a toujours été au cœur de notre mission et, avec nos partenaires, nous avons contribué à des projets clés autour du genre et des industries extractives. En 2023, nous appliquons cet engagement à nos nouveaux domaines de travail. Nous sommes enthousiasmés et déterminés à identifier notre contribution à l'important travail de promotion de l'équité dans la transition énergétique. Nous développerons des orientations pour nos équipes afin d'intégrer le genre dans l'ensemble de nos programmes de transition énergétique, et approfondirons les partenariats anciens et nouveaux qui nous permettent d'avoir un impact.
Les auteures souhaitent remercier les membres du groupe de travail sur le genre de NRGI pour leurs contributions.
Authors
Ana Carolina González Espinosa
Senior Director for Programs
Suneeta Kaimal
President and Chief Executive Officer
Emma Dahmani
Program and Administrative Assistant
Phesheya Nxumalo
Program Assistant