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Diversification économique et dépense publique efficace en Afrique Centrale : impératifs pour répondre à l’impact des crises sur le secteur extractif

La Banque Africaine de Développement a récemment publié son rapport , « Perspectives Économique en Afrique 2021: De la résolution de la dette à la croissance – une feuille de route pour l’Afrique ». L’édition 2021 examine les effets de la pandémie de coronavirus sur la croissance en Afrique. Il en tire des enseignements en matière de diversification économique et de gestion de la dépense publique.

Le rapport indique qu’en 2020, les économies exportatrices du pétrole et celles à forte intensité en ressources naturelles, ainsi que les économies dépendantes du tourisme, ont été les plus durement touchées par la pandémie. Plusieurs pays africains ont dû opter pour de nouveaux endettements afin de répondre à la chute des recettes et à l’augmentation soudaine des dépenses publiques.

Figure: La croissance s'est contracteé plus fortment dans les économies dépendantes du tourisme et dans une moindre mesure dans le pays à faible revenu

Figure: La croissance s'est contracteé plus fortment dans les économies dépendantes du tourisme et dans une moindre mesure dans le pays à faible revenu

Note: Toutes les donnés sont des prévisions.
Source: Statistiques de la Banque africaine de développement.

La situation dans les pays producteurs de pétrole en Afrique Centrale

La pandémie de coronavirus a négativement impacté les performances économiques des pays d’Afrique centrale en général, et du secteur extractif en particulier. La contraction du produit intérieur brut (PIB) réel dans la sous-région est estimée à 2,7 % en 2020. Les pays particulièrement touchés par la crise sont la République du Congo (–7,9 %), la Guinée équatoriale (–6,1 %), le Cameroun (–2,4 %), et la République démocratique du Congo (–1,7 %). Dans les pays exportateurs de pétrole, le PIB s’est contracté de 1,5 % en 2020, en raison de l’effondrement de la demande et du cours du pétrole, avec la République du Congo le pays le plus touché. Les autres économies à forte intensité en ressources ont reculé de 4,7 %, en raison d’une baisse des demandes et prix des métaux et minéraux.

Dans plusieurs pays producteurs de pétrole (y compris d’Afrique centrale), le niveau d’endettement est déjà préoccupant. La persistance de la pandémie et de ses effets est susceptible de contraindre ces pays à s’endetter encore plus, et va certainement impacter la reprise de la croissance en Afrique.

  • Au Cameroun, l’encours de la dette publique est passé de 12% du PIB en 2007 à 48% du PIB en septembre 2020, faisant de lui un pays à haut risque de surendettement.
  • La République du Congo demeure en récession économique, et l’encours de la dette qui, représentait 83 % du PIB à fin 2019, se hisserait à 104 % en 2020.
  • Au Gabon, le déficit des comptes courants s’est creusé, passant de 0,3 % du PIB en 2019 à 9,5 %, au point où le service de la dette qui représentait 37 % des recettes budgétaires en 2019, a bondi à 88,5 % en 2020.
  • En Guinée Équatoriale, le taux d’endettement public s’élevait déjà à 41 % du PIB en 2019 contre 13 % en 2014.

Selon ce même rapport, l’augmentation de l’endettement des pays africains devrait se poursuivre avec la persistance de la pandémie et de ses effets, d’où les recommandations suivantes qui ne sont pas nouvelles mais prennent tout leur sens en cette période particulière :

  • Accélérer la transformation structurelle des économies à l’aide de la digitalisation, de l’industrialisation et de la diversification. Les décideurs politiques africains peuvent rendre leurs économies plus résilientes en diversifiant leurs bases productives. Cette recommandation rejoint celles formulées par NRGI à l’endroit des pays riches en ressources naturelles sur la nécessité de diversifier leurs économies.
  • Améliorer l’efficacité des dépenses publiques et garantir que les transferts atteignent les destinataires prévus. Il devient essentiel de traiter les nombreuses formes de « fuites des capitaux» dans la gestion des ressources publiques en mettant l’accent sur quatre dimensions fondamentales : décisions budgétaires prudentes, budgets crédibles, flux de ressources et transactions fiables et efficaces, et transparence et redevabilité institutionnalisées, y compris dans le secteur des ressources naturelles. NRGI propose des recommandations sur la manière dont les règles budgétaires peuvent être renforcées sur ces besoins.

L’avenir post-pandémie contient beaucoup d’incertitudes pour un nombre de pays producteurs de pétrole d’Afrique Centrale du fait de nouveaux endettements engagés pour répondre aux effets socio-économiques de la crise. La manière dont ces gouvernements se préparent pour, et gèrent, cette incertitude sera cruciale pour garantir que les pays puissent être résilients et renouer avec les performances économiques.  Il devient donc urgent de : (i) protéger les revenus fiscaux (et l’économie en général) contre les incertitudes des prix des produits de base (y compris du secteur extractif) en diversifiant l’économie ; et (ii) renforcer la gestion des finances publiques en améliorant la transparence et redevabilité des institutions fiscales. NRGI continuera à soutenir, dans nos pays prioritaires, ces aspects avec pour but d’assurer la bonne gouvernance des ressources naturelles. 

Lucain Nyassi Tchakounte est Associé au Programme Régional Afrique Francophone à NRGI.

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