Image placeholder

L’UE doit permettre de faire la lumière sur les projets extractifs

English »

Cet article a initialement été publié sur EURACTIV.

Les députés européens et ministres ont la possibilité de limiter les dangers que représentent les industries extractives, écrivent Elisa Peter et Robert Pitman.

Les entreprises extractives présentent de nombreux risques : pour notre climat d’abord, l’impact de notre dépendance aux énergies fossiles étant chaque jour plus visible.

Pour nos économies ensuite, comme en témoignent la flambée des prix de l’énergie et la constante instabilité des marchés internationaux des matières premières; mais aussi pour la démocratie, contribuant au maintien au pouvoir de dictateurs et kleptocrates. Elles sont risquées pour les personnes vivant à proximité des sites d’extraction, où les violations des droits humains et la dégradation de l’environnement sont monnaie courante; et enfin pour les investisseurs, sur le plan financier et réputationnel.  

Pour faire face à tous ces dangers – et assurer un monde plus durable – il est essentiel que les entreprises divulguent l’ampleur et la nature réelles des impacts de leurs activités. L’Union européenne (UE) est sur le point de décider de la manière dont cela devra être fait : elle révise actuellement sa législation exigeant des entreprises qu’elles divulguent des informations sur les impacts sociaux et environnementaux de leurs activités, en remplaçant la directive sur la publication d’informations non financières (NFRD) par la directive sur la publication d’informations en matière de durabilité par les entreprises (CSRD). Le processus législatif en est à un moment décisif, des négociations interinstitutionnelles sur le texte définitif étant en cours. Ces « trilogues », en jargon européen, devraient se conclure avant l’achèvement de la présidence française du Conseil de l’UE, fin juin.

Malheureusement, Pascal Durand, eurodéputé français à la tête de l’équipe de négociation du Parlement européen, et la Secrétaire d’État française Olivia Grégoire, qui porte la voix des Etats membres de l’Union, n’ont pas directement abordé la question cruciale des industries extractives dans leurs discussions.

En mars, le Parlement européen a voté l’élaboration, en priorité, de règles de transparence pour le secteur extractif dans la CSRD, entre autres secteurs à haut risque.  Mais il n’est pas certain que les États membres suivront et, cela ne serait de toute façon pas suffisant.


Lever le voile

Nombreux·ses s’accordent à dire que les informations à divulguer en matière de durabilité doivent être à la hauteur de l’ampleur et de la gravité des risques que représentent les entreprises. Les industries extractives exposant les populations et l’environnement à un niveau très important de risques, il est crucial qu’elles publient une série d’informations spécifiques, précises. Les décideur·euse·s politiques, les investisseur·euse·s, la société civile et les citoyen·ne·s ordinaires devraient avoir accès à des informations au niveau de chaque projet d’extraction.

L’UE exige déjà, au Chapitre 10 de la directive Comptable, que les entreprises extractives fournissent ce niveau de détail pour d’autres rapports non financiers. Veiller à ce que les informations en matière de durabilité des entreprises soient cohérentes avec cette directive n’est donc pas un saut dans l’inconnu. Au contraire, cela empêchera que les nouvelles règles de transparence ne viennent saper les lois européennes déjà en place. La Commission européenne a d’ailleurs reconnu que ces dernières sont déjà « utilisées par une grande partie de la société civile pour interroger les entreprises et leur demander des comptes ».

Des raisons impérieuses

Tous les projets de l’industrie extractive ne se ressemblent pas.

Le dérèglement climatique montre que certains sont nettement plus susceptibles de comporter des risques que d’autres. Le Programme des Nations unies pour l’environnement et l’Agence internationale de l’énergie notent qu’une grande partie des ressources pétrolières et gazières découvertes devront rester inexploitées si l’on souhaite atteindre les objectifs de l’Accord de Paris. Sur la base de ces conclusions, les grand·e·s investisseur·euse·s ont indiqué vouloir soutenir les entreprises qui agissent dans ce sens.

Pour y parvenir, la transparence sur chaque projet extractif est essentielle. Il n’est pas surprenant d’apprendre que des entreprises telles qu‘Exxon Mobil partagent déjà des informations sur leurs projets à leurs administrateurs. Rendre ces informations accessibles au public permettrait aux investisseur·euse·s, décideur·euse·s et citoyen·ne·s intéressé·e·s de comprendre quels sont les projets les plus à risque et de planifier en conséquence.

Il est essentiel que celles et ceux qui seront directement impacté·e·s par des projets miniers et pétroliers aient accès à cette information. Ils·elles doivent pouvoir comprendre l’étendue des impacts sociaux et environnementaux de chaque projet extractif, notamment les risques d’émission de gaz à effet de serre, de pollution des terres et des eaux, de destruction de la biodiversité ou de menace pour la santé humaine ; ou encore la possible alimentation de conflits, de la corruption, ou de violations des droits humains.

Enfin, si les parlementaires et les ministres voulaient vraiment être ambitieux·ses, ils·elles exigeraient de ces compagnies qu’elles publient les contrats qu’elles passent avec les pays producteurs. Ces documents clés détaillent la relation entre les entreprises et les gouvernements étrangers et établissent comment les risques et les bénéfices de l’extraction affectent les entreprises, les gouvernements et leurs citoyen·ne·s. Si un plaidoyer de longue date mené par la société civile a abouti à la publication des contrats extractifs dans près de 50 pays, une réglementation européenne pourrait contribuer à rendre la transparence des contrats plus universelle et plus complète.

Depuis des décennies, de nombreuses voix s’élèvent pour affirmer que seules une transparence et une responsabilité accrues peuvent mettre fin aux impacts dévastateurs de l’exploitation du pétrole, du gaz et des minerais. Dans les jours et les semaines à venir, l’UE a la possibilité de franchir une nouvelle étape et de rendre le secteur véritablement responsable et transparent. Elle ne doit pas laisser passer cette occasion.


Elisa Peter est la directrice exécutive du mouvement Publiez Ce Que Vous Payez, et Robert Pitman est chargé de programme Gouvernance au Natural Resource Governance Institute.


Cet article a initialement été publié sur EURACTIV.


Photo by Oil and Gas Photographer for Shutterstock

Authors